dimanche 11 décembre 2016

Tout ça pour ça



On peut légitimement se demander à quoi bon travailler sur soi, explorer nos rêves, méditer et se confronter avec l’inconscient. Qu’est-ce que cela apporte ? Kossa donne ?

Bien sûr, il y a un certain nombre de bénéfices évidents que j’ai soulignés dans un article qui date de 2013 sur les nombreuses raisons de travailler ses rêves. Le premier de ces bénéfices est le fait de favoriser l’équilibre de la psyché en tenant compte de la fonction compensatrice des rêves : si nous faisons un excès dans un sens ou dans l’autre, l’inconscient nous ramènera au milieu du chemin, nous évitant bien des désagréments. Avec  l’équilibre psychique, nous pouvons espérer une meilleure santé tant psychique que physique. Les rêves, et le travail sur soi en général, favorisent l’intégration de l’ensemble de la vie psychique dans une totalité dynamique, toujours en mouvement et en relation avec son environnement. On peut voir là une des meilleures définitions de la santé d’un point de vue holistique quand on sait par exemple comment l’anglais health renvoie à la totalité, wholeness. C’est en étant entiers que nous sommes en santé.

Il faut dire tout de suite que cela n’empêche pas de souffrir, de tomber malade et encore moins, bien sûr, de mourir. Mais on souffre plus consciemment, ce qui signifie souvent de façon plus aiguë mais moins inutile. On s’épargne la souffrance qui consiste en lutter avec la réalité, en lui résister dans une sourde inconscience. Mais il devient bien plus difficile de s’anesthésier avec la télé et tous les dérivatifs car finalement, la fuite de la souffrance s’avère simplement prolonger la souffrance. Cependant, le travail sur soi permet assez généralement de trouver un sens à cette souffrance, et avec ce sens, une certaine paix. C’est le bénéfice par exemple de l’écoute des rêves dans une grave maladie ou à l’approche de la mort. Ce sens n’est pas nécessairement une relation de cause à effet qui satisferait le mental, du genre je souffre parce que j’ai vécu tel traumatisme, ou qu’un de mes ancêtres est passé par telle épreuve irrésolue. Plus souvent, c’est une finalité qui se dégage : la souffrance s’avère être le feu dans lequel une conscience nouvelle, plus large et plus claire, est forgée.

J’ai parlé plus avant de cette problématique dans ma réflexion sur une voie jungienne. Le défi qui nous est lancé dans cette vie n’est pas d’échapper à la souffrance mais d’apprendre à souffrir, sans glorifier cette souffrance mais en l’acceptant. Je rappelle les mots de Jung :

« L’être humain doit gérer le problème de la souffrance. L’oriental cherche à supprimer la souffrance en s’en débarrassant. L’homme occidental essaie de supprimer la souffrance par la drogue. Mais la souffrance doit être surmontée et la seule façon de la surmonter est de l’endurer. »

Et il faut donc d’emblée dénoncer tous les bateleurs qui prétendent offrir la panacée qui mettra fin à la souffrance : ce sont des escrocs qui endorment le monde, et tôt ou tard, le réveil sera difficile pour les naïfs qui achètent leur boniment. Au contraire de la sécurité qu’ils prétendent vendre, le travail sur soi nous conduit bien souvent à des prises de conscience difficiles et à sauter à pieds joints dans l’inconnu, à goûter la bienheureuse insécurité[1] de la vie. Il implique de prendre un risque majeur, celui de devenir pleinement responsable de notre existence et par là, entièrement libres. Mais il n’est pas facile d’être libre. C’est ce que laisse entendre l’Évangile de Thomas quand le Christ dit :

« Les renards ont leurs tanières, les oiseaux leurs nids, mais le Fils de l’Homme n'a nulle part où reposer sa tête. »

Et bien sûr, le travail sur soi ne saurait dès lors devenir un produit de consommation de masse. C’est ce que faisait remarquer Jung quand il disait que l’ « on n’atteint pas l’illumination en invoquant des êtres de lumière mais en rendant l’obscurité consciente. » Mais ce ne saurait être populaire. Ce n’est pas une voie de facilité car tôt ou tard, il faut quitter tous les repères balisés par d'autres, tous les chemins battus et rebattus à force d’être marqués au sceau du collectif, pour risquer d’être simplement soi, un individu unique dans sa façon de fleurir.

Le travail sur soi, dans toutes ses modalités – que ce soient l’écoute des rêves, la méditation, tous les yogas, etc… – s’accommode mal de l’ordre marchand dans lequel nous vivons. Celui-ci a en particulier pour défaut de suggérer un utilitarisme réducteur qui voudrait qu’on ne fasse rien sans en retirer un bénéfice direct de cause à effet. C’est ainsi que sur la place du sacred market, on trouve d’innombrables façons d’acheter la paix éternelle de l’esprit, la croissance de notre belle personne, le gonflement de nos biceps spirituels, la mise en forme durable de notre âme. On est venu à moquer cette tendance par exemple dans le domaine de la pleine conscience (mindfullness) en parlant de macfullness pour évoquer la méditation fast food. Chogyäm Trungpa, un des plus grand maitres tibétains de notre époque, par ailleurs alcoolique sévère et grand brûlé de l’âme – comme quoi l’un n’empêche pas l’autre – a dénoncé ce matérialisme spirituel[2]. Disons-le dans d’autres mots :

Le travail sur soi ne saurait avoir d’autre fin que lui-même. Tant qu’on l’asservit à un autre but, on monte deux chevaux, ou on sert deux maîtres différents, pour paraphraser l’Évangile. Tôt ou tard, ils s’écarteront et on tombera au milieu.

Dans mon article de 2013, je mentionnais d’autres bénéfices bien connus du travail avec les rêves, qui tiennent en particulier dans le fait de trouver une guidance intérieure qui nous connecte au savoir absolu de l’inconscient – on trouve par là un accès à notre maître intérieur, ce qui nous donne une entière autonomie spirituelle. Un autre bénéfice tient à la capacité de digestion de la psyché qui est favorisée par l’écoute des rêves et toutes les formes de méditation : on devient plus à même d’intégrer positivement les aléas de l’existence et tous les événements qui surviennent dans celle-ci. Tous ces éléments participent d’un processus que Jung disait être d’élargissement de la conscience, et in fine d’individuation, ce qu’on peut aussi décrire comme la réalisation de soi, l’accomplissement de notre totalité dans ce qu’elle a d’unique.

Il est amusant de constater qu’il y a encore de grands enfants qui jouent aux Pokemon spirituels en croyant que le travail sur soi va leur conférer quelque chose de spécial, que ce soient des connaissances secrètes ou des pouvoirs fabuleux. La totalité dont il est question ici est alors parée de vertus extraordinaires qui devraient permettre de marcher sur l’eau, de guérir les maladies par imposition des mains ou encore de transformer tout ce qu’on touche en or, ce qui pourtant n’a pas servi le pauvre roi Midas. Il ne leur vient pas à l’esprit que les fameux pouvoirs (siddhis) obtenus par les yogis avancés pourraient être essentiellement symboliques, et quand ils ont une réalité tangible, s’avèrent un défi et une responsabilité écrasante. On raconte ainsi l’histoire du jeune Ramakrishna qui, écoutant un concert musical en plein air, arrêta la pluie qui menaçait de gâcher son plaisir avant d’être repris par un vieux yogi qui cracha à ses pieds en lui disant que s’il interférait ainsi dans l’ordre des choses, il risquait de se réincarner en grenouille. La marque de l’infantilisme spirituel est de rechercher des pouvoirs ou quelque chose qui nous rendrait spécial. La sagesse commande de demander plutôt à grandir en conscience et en amour pour être capable d’user au mieux des petits pouvoirs qui nous sont conférés, ne serait-ce qu’en parlant ou en agissant comme n’importe quel être humain…

Mais alors, que veut dire « accomplir notre totalité » ? Et bien rien de plus que d’être nous-mêmes dans toutes nos facettes, et en particulier d’éviter le piège de l’unilatéralisme qui nous fait nous identifier à l’une ou l’autre de nos parties. En effet, il y a un consensus dans toutes les voies spirituelles incluant la psychologie des profondeurs pour reconnaître que nous sommes tissés d’opposés. On peut dire que nous vivons dans un monde marqué fondamentalement par la dualité, et par exemple l’opposition entre le clair et l’obscur, le froid et le chaud, le sec et l’humide, le bien et le mal, le grand et le petit, etc. Mais en réalité, qu’il s’agisse du monde ou de notre conscience – une autre dualité – il n’y a pas de véritable séparation entre ces opposés car ils s’avèrent être deux pôles extrêmes dans la manifestation d’une seule réalité. En termes contemporains, c’est le modèle énergétique qui l’explique le mieux car l’énergie est une réalité dynamique se déployant dans la tension entre deux polarités. Ainsi le clair et l’obscur sont-ils deux modalités du phénomène de la lumière, le chaud et le froid deux modalités de l’agitation des particules que nous dénommons « température », etc.

Or cela d’importante conséquence dans notre psyché même quand on réalise que nous ne saurions nous identifier ni à l’une, ni à l’autre, des polarités venant des innombrables paires d’opposés nous constituant, ou constituant les situations que nous vivons. Nous ne sommes jamais entièrement bons sans être un peu mauvais, entièrement conscients sans être un peu inconscients, etc. De la même façon, une situation n’est jamais entièrement mauvaise sans inclure un aspect positif. C’est le symbole du Tao mêlant de façon inextricable le yin (féminin) et le yang (masculin) comme étant deux aspects de l’énergie créatrice de l’Univers qui rend le mieux compte de cette vérité :

 Dès lors, accomplir notre totalité signifie simplement être toujours conscient des deux faces de la réalité. Une personne qui s’identifie à un aspect de sa psyché, par exemple en se faisant croire qu’elle est toujours franche et honnête, renvoie simplement dans l’inconscient l’ombre portée par cette franchise et cette honnêteté. Les rêves ont la fâcheuse habitude de nous rappeler l’autre côté oublié; cette habitude n’est fâcheuse que parce qu’elle nous irrite souvent profondément quand c’est par exemple un ami qui le fait. Mais l’inconscient, c’est nous-mêmes, c’est cette partie de nous qui n’est pas consciente et qui cependant nous dit vertement parfois notre quatre vérités. Et c’est une des raisons pour lesquelles les rêves ne sont pas faciles à comprendre. On se met facilement le doigt dans l’œil quand on croit savoir ce que les rêves peuvent avoir à nous dire : par définition, ils font toujours ressortir ce qui nous est inconscient dans les situations de notre vie, et dans notre connaissance de nous-mêmes. C’est à ce point qu’il est facile de penser que l’inconscient, loin d’être notre meilleur ami, est notre pire ennemi car il détruit systématiquement nos illusions.

Mais dès lors qu’on accepte ses avis, l’inconscient nous conduit sur la voie du milieu qui serpente au milieu des opposés. Ce n’est pas une voie droite, rectiligne, loin s’en faut. De la même façon que nous marchons en balançant pas après pas notre poids sur une jambe après l’autre, nous avançons sur cette voie du milieu en compensant régulièrement nos excès, qui nous emmènent un peu trop dans un sens puis dans l’autre jusqu’à ce qu’on rectifie le mouvement. Sans ce jeu de compensation et de rectification, il n’y aurait pas de mouvement, de dynamique : on se balancerait simplement d’une jambe sur l’autre. 

C’est de cette rectification, qui consiste donc à "rendre droit", dont parlaient les alchimistes avec la formule du VITRIOLUM, qui est l’acronyme de :

Visita Interiorae Terrae Rectificando Invenies Occultume Lapidem Veram Medicinam

Ce qui signifie :

Visite l’intérieur de la terre, en rectifiant tu trouveras la pierre occulte, véritable médecine.

La pierre est ce qui finalement ne change pas, ce qui a valeur d’éternité, et si elle est dite occulte, ce n’est pas pour faire fantasmer sur un secret ésotérique mais simplement qu’elle relève de la réalité cachée. Comme la lettre volée d’Edgar Allan Poe, cette réalité cachée est juste sous nos yeux et elle tient dans l’unité du Réel derrière les apparences de la dualité, la non-séparation de la Conscience et du monde, non plus que de quelques opposés que ce soit. « Un le Tout ! » s’exclamaient les anciens alchimistes, et il est impossible d’en exclure quoi que ce soit, même Donald Trump qui fait donc partie de la totalité que nous sommes, tou(te)s ensemble. Au-delà de la multiplicité des facettes de l’être, un seul JE SUIS…

Dans notre vocabulaire contemporain, on décrira encore ce cheminement vers notre totalité comme faisant partie du développement de la personne, ou « développement personnel ». La vertu de cette approche est simplement de souligner qu’il s’agit de faire de nous de meilleurs humains, et non des surhommes. Devenir de meilleurs humains, cela relève du devoir qui nous est fait par la vie de prendre en charge notre propre souffrance. En effet, si celle-ci n’est pas rendue consciente, elle se propage dans le monde sous forme de violence, ou encore elle est transmise comme une patate chaude aux générations suivantes. Cela me semble être la meilleure motivation au travail sur soi : contribuer à soulager la souffrance dans le monde, ou du moins ne rien lui ajouter, et veiller à ne pas transmettre cette souffrance aux futures générations. Ou, comme le disait une des premières affiches en France de prévention de la transmission du SIDA, prendre position et affirmer : « cela ne passera pas par moi ».

Il me semble cependant important, en regard de cette notion de « développement personnel », de prendre le contre-pied du terme trop galvaudé de la « croissance personnelle » qui relève souvent de la gonflette pour egos spirituels. Je préfère lui opposer la notion de « décroissance personnelle[3] » qui, de la même manière que la décroissance économique est le seul remède à notre folie de croissance perpétuelle, ouvre la seule voie praticable à long terme. Car finalement, le développement personnel n’a rien à voir avec le renforcement de la personnalité pour qu’elle se sente mieux, en meilleur contrôle de sa vie, plus productive ou dotée de superpouvoirs. Bien au contraire, il s’agit d’un travail de déconstruction et de démantèlement de cette structure pour laisser transparaître autre chose au travers des fêlures et interstices qu’elle élargit progressivement, jusqu’à ce qu’on puisse goûter à l’espace…

Mais alors, à quoi bon tout ce travail ?

Nous n’avons rien à en retirer.

En effet, l’inconscient s’avère foncièrement inutile, impossible à domestiquer pour en tirer du lait ou de l’or. Si on veut le mettre à mort pour manger sa viande, il ne faut oublier qu’il fait partie de nous, et que c’est finalement notre propre chair que nous mangeons alors. Tant que l’on veut tirer un profit du travail, c’est l’ego qui veut tirer ce profit et c’est contradictoire avec le fait que le travail met l’ego en vacances, affaiblit son emprise sur notre vie et prépare sa ruine totale. Quand quelqu’un poursuit un but défini au travers du travail sur soi, fut-ce l’illumination, on peut donc voir un ego en train de scier la branche sur laquelle il est assis, et s’attendre à ce qu’il tombe un jour de haut. Pire, plus on travaille avec l’inconscient, moins il nous apporte la fameuse guidance que nous pouvons encore rechercher auprès de lui. Cependant, cette inutilité s’avère au bout du compte ce qu’il y a de plus précieux. Voilà ce qu’en dit Mme Von Franz[4] :

« De quelle façon l'inutilité de l'inconscient peut-elle donc être précieuse ?

Dans un premier temps, l'inconscient est difficile à pénétrer; il est difficile de parvenir à son cœur. Plus tard, vous êtes nourri par lui, puis vous profitez des illuminations spirituelles que l'inconscient offre, ce qui produit en vous une certaine résurrection spirituelle. Plus tard, vous parvenez au stade suivant qui est l'expérience de l'inutilité de l'inconscient. Cela signifie que vous devez maintenant renoncer à l'idée de vous servir de lui dans des buts égotiques. C'est le sacrifice qui consiste à ne plus chercher à tirer profit de la relation avec l'inconscient. Cela vient assez tard dans une analyse, parce que, naturellement, chaque analysé apprend d'abord à compter sur l'inconscient pour en retirer un bénéfice, comme de guérir de sa névrose, recevoir un avis sur un problème non résolu, et ainsi de suite. Mais, après un dialogue de longue durée avec l'inconscient, un jour vient où vous devez laisser tomber tout cela et arrêter de traiter l'inconscient comme une mère qui vous conseille ce que vous avez à faire. Si vous continuez à penser : « Je n'arrive pas à me décider, je vais demander à l'inconscient de le faire à ma place », celui-ci vous donne des conseils ambigus, et vous pensez : « L'inconscient m'a trahi, il m'a déçu. »

Jung disait toujours que plus longtemps quelqu’un avait été en analyse, pendant de nombreuses années, plus, s’il persévérait, les rêves devenaient difficiles et compliqués. […] Le rêve peut prendre alors un caractère d'énigme cryptique. Mais si vous parvenez à pénétrer le sens de ces rêves apparemment inutiles, vous découvrez qu'ils ne sont pas en relation avec un éclairage intérieur, mais avec le simple fait d'être; ils n'enseignent ni une connaissance intérieure ni à réaliser quelque chose, mais à exister : ils se contentent d'enseigner à vivre.

Le meilleur parallèle ou la meilleure illustration que j'en connaisse se trouve dans le bouddhisme zen, dans la série bien connue des dix illustrations de l'apprivoisement de la vache. Après la grande illumination, la dernière image est celle du satori ; on y voit un vieil homme avec sa sébile qui parcourt le marché en mendiant et la légende dit : « II a oublié les dieux, il a oublié l'illumination, il a tout oublié, mais, où qu'il aille, les cerisiers fleurissent. » Cela signifie que, d'une certaine manière, il est redevenu complètement inconscient. Un maître zen dit un jour : « Après l'illumination, vous pouvez aussi bien entrer dans une auberge et vous enivrer, vagabonder et vivre une vie ordinaire, oublier tout de nouveau. » Mais, évidemment, cet oubli n'est pas une régression. Ce n'est pas simplement un retour à l'inconscience précédente. C'est un degré de plus. C'est un progrès dans l'inutilité taoïste, le « simplement exister ». Tout l'aspect intellectuel de l'analyse, le fait de rechercher sans cesse les lumières et les instructions de l'inconscient, disparaissent dans une grande mesure. Ce serait la cible la plus haute, si bien que je pense qu'il est juste qu'elle soit inutile, et, en même temps, d'une inutilité qui est un accomplissement supérieur à celui des stades précédents. »[5]

Alors, encore une fois, si cela ne sert finalement à rien, à quoi bon travailler sur soi ?

Ce que nous pouvons espérer par là, c’est un texte plusieurs fois millénaire qui le dit le mieux selon moi, à savoir le Dhammapada, un recueil d’aphorismes qui viendraient directement de la bouche du Bouddha. Pour ma part, j’aime particulièrement la traduction en anglais de Juan Mascaro. Je vous livre en conclusion les quatre aphorismes qui me semble justifier tous les efforts à fournir pour marcher sur la voie, comme une invitation à risquer le voyage :

197. O let us live in joy, in love among those who hate ! Among men who hate, let us leave in joy.

198. O let us live in joy, in health among those who are ill ! Among men who are ill, let us live in health.

199. O let us live in joy, in peace among those who struggle ! Among men who struggle, let us live in peace.

200. O let us live in joy, although having nothing ! In joy let us live like spirits of light !
Ce que je traduis ainsi :

197. Ô vivons dans la joie, en amour parmi ceux qui haïssent ! Parmi les hommes qui haïssent, vivons dans la joie.

198. Ô vivons dans la joie, en santé[6] parmi ceux qui sont malades ! Parmi les hommes qui sont malades, vivons en santé.

199. Ô vivons dans la joie, en paix parmi ceux qui se débattent ! Parmi ceux qui se débattent, vivons en paix.

200. Ô vivons dans la joie, même en n’ayant rien ! En joie, vivons comme des esprits de lumière !

[1] Clin d’oeil en forme de référence au livre d’Alan Watts, bienheureuse insécurité, que je ne peux que recommander comme étant une des rares lectures nécessaire pour apprendre l’art de vivre.
[2] Chogyam Trüngpa, Cutting through spitual materialism
[3] Voir le livre délicieux du même nom du Dr Marquis.
[4] Merci à Amezeg de m’avoir indiqué cette référence dans un commentaire.
[5] Marie-Louise von Franz, la princesse chatte, chapitre VII : Le retour. Éditions La Fontaine de Pierre.
[6] La santé dont il est question est la santé de l’âme, la totalité dont il était question au début de cet article, ou encore le fait de ne pas nourrir de conflits intérieurs ni extérieurs.